Vivre à Paris

Petite histoire des Halles

C’est au milieu du XIIe siècle que Louis VI Le Gros acquiert ce terrain dit des Champeaux. Jusqu’à présent, les marchés se tenaient dans la Cité puis en place de Grève. Les poissons étaient quant à eux amenés depuis Boulogne sur mer par les « chasses-marée », qui les déchargeaient dans le quartier depuis devenu Faubourg Poissonnière.

Les Champeaux deviennent peu à peu l’épicentre du commerce parisien, se développant sous l’impulsion de Philippe Auguste qui le sécurise en l’entourant de murailles et faisant bâtir deux halles couvertes. On trouve de tout ici. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la nourriture y est un parent pauvre. Les Halles sont surtout une débauche de tissus, de draperies, de pelisses, de soieries…

Sous la Renaissance, François 1er décide d’unifier et d’ordonner ce joyeux bazar. Ainsi fait-il ériger des grands hangars appelés « piliers des Halles », qui vont durer jusqu’au mitan du XIXe siècle.

A la même époque est décidé de bâtir une grande église pour remplacer la chapelle saint Agnès, édifiée au XIIIe siècle, grâce à un impôt prélevé sur les paniers de poissons. La construction de Saint Eustache durera 101 ans, l’église étant officiellement achevée en 1633 puis consacrée en 1637.

On assimile souvent les grandes Halles centrales à Haussmann et Napoléon III, alors que leur réaménagement fut décidé sous Louis Philippe, en janvier 1847. Mais c’est sous Badinguet qu’est posée leur première pierre, à l’automne 1851. Baltard a pour mission de couvrir trois hectares et demi de terrain avec quelques dix pavillons en fer, verre et fonte. Jusqu’alors les corporations avaient leur rue, elles auront désormais leur halle.

Se promener parmi les « métiers des Halles » est un véritable herbier surréaliste : il y a ici des cabocheurs, qui brisent les têtes de mouton pour récupérer langue et cervelle ; des gaveurs de pigeons ; des compteur-mireurs, qui vérifient si les œufs sont frais ; des bombeurs, qui aplatissent le bréchet des canards ; des verseurs, qui étalent le poisson sur les éventaires ; des tasseurs, qui dressent les pyramides de légumes…

Et puis il y a ces fameux « forts des Halles », l’un des plus anciennes corporations, fondée sous St Louis, en 1250. Pour être au nombre de ces colosses légendaires il fallait une résistance physique exceptionnelle. Le test était radical : si vous parveniez à parcourir 60 mètres (la largeur d’une Halle) en portant 200 kg, vous pouviez aspirer à intégrer cette guilde d’Hercules…

Pendant un gros siècle, le Ventre de Parsi va vrombir de victuailles, rendant le quartier souvent impraticable générant des embouteillages monstres, mais créant une authentique mythologie.

Las, l’afflux des automobiles et la position même des Halles, au cœur de Paris, rendent la situation épineuse. Sans compter les normes sanitaires qui

deviennent drastiques. Il faut donc aller ailleurs… Décidé en 1960, en pleine France Gaullienne, le déménagement n’est pas effectif avant le printemps 1969. Ce dut être un bien curieux spectacle que de voir ces 20 000 personnes, 1 000 entreprises de gros, 10 000 m3 de matériel et 5 000 tonnes de marchandises partir en Fenouillard, au volant de quelques 1 500 camions. Et tout s’est fait en une semaine, du 27 février au 1er mars 1969 !

Exilés à la Villette depuis 1950, les bouchers rallient à leur tour le val de Marne en 1975, constituant l’un des plus vastes et riches marchés alimentaire du monde : près de 73 hectares couverts ! Mais la poésie des halles est envolée…