Vivre à Paris

Quand la viande ordonne…

Paris a toujours consommé plus de viande que la province.

A Paris, la Boucherie n’était pas une échoppe, mais un véritable quartier. Remontant au XIIe siècle, la corporation des bouchers compte parmi les plus anciennes et les plus héréditaires. Le centre du Quartier de la Grande Boucherie  était l’Eglise Saint-Jacques de la Boucherie (dont il ne reste que la tour). Les bouchers avaient de nombreux privilèges, notamment celui de vendre de la viande crue (longtemps les charcutiers ne pourront vendre que des produits cuits).

Les bouchers prirent même un pouvoir politique. Ainsi le terrifiant Simon Caboche, écorcheur soutenu par la corporation des bouchers, qui imposa la terreur dans le Paris de 1413, sous Jean sans peur ; on en gardé le mot de « cabochard ».

Au XVe siècle, Paris consomme chaque semaine 4000 moutons, 240 bœufs, 500 veaux et 600 porcs. Au début du XVIIIe siècle, on compte plus de trois-cents étaux de boucherie dans Paris. S’approvisionnant d’abord dans les campagnes limitrophes, les bouchers doivent peu à peu faire venir leurs bêtes de plus loin. Le marché au bétail, où les bouchers viennent tâter la bête sur pied, se trouve à la Porte Saint Honoré.

Produit de consommation courante, la viande devient à partir du XVIe siècle une denrée onéreuse. La demande étant supérieure à l’offre, il se crée une véritable aristocratie de la bidoche. Le bœuf est réservé aux nantis quand le peuple doit de satisfaire des joies du mouton, du cochon, ou de leurs tripes. La viande elle-même devient recyclable : au XIXe siècle, les marchands d’arlequins (appelés aussi « bijoutiers ») rachètent les restes des assiettes de viande des restaurants et revendent le tout dans un grand seau (la polychromie des mets rappelant celle d’un arlequin). Geste précurseur de notre « tri-sélectif » il devrait ravir nos modernes intégristes de l’éco-responsabilité.