Vivre à Paris

Les grandes tables du triangle d’or

Les années passent, voici la troisième république et la belle époque: les grands restaurants migrent à l’ouest. Depuis la Restauration, le traiteur Doyen officie sur les Champs Elysées, mais voici qu’en 1900 le grand chef Paillard crée le Pavillon de l’Elysée,  en face du palais éponyme, pour recevoir les grossiums de de l’exposition universelle. C’est aujourd’hui le Pavillon Lenôtre.

Les pourtours de la Madeleine regorgent également de tables illustres. C’est au numéro 2, à l’emplacement de Ralph Lauren que se tenait Durand ; c’est ici que Boulanger décida de briguer le pouvoir et c’est ici que Zola rédigea son « J’accuse ».

En face, le numéro 3 était l’écrin de Larue, autre institution parisienne. Son chef Edouard Nignon fut cuisinier du Tsar puis celui de l’Elysée et du quai d’orsay. Aujourd’hui il abrite le magasin Nina Ricci.

Le restaurant Lucas Carton, au numéro 9, est le seul vétéran de cet âge d’or. Une Taverne Anglaise est ouverte ici par Robert Lucas, en 1732. En 1925 les lieux sont rachetés par Francis Carton, qui y accole son nom. Repris dans les années septante par Alain Senderens, ce dernier finira par lui donner son nom, en 2005.

Le Fouquet’s. A la fin du XIXe se trouvait à l’angle des Champs et de l’avenue de l’Alma (future George V) un bistrot où se retrouvaient les cochers du quartier. Louis Fouquet en fait l’acquisition en 1899, donne son nom à l’estaminet et y crée un « american drink cocktail », sacrifiant à une mode du moment. Terrassé par une fièvre typhoïde en 1905, Fouquet a pour successeur le chef Léopold Mourier, qui persiste dans l’anglomanie et ajoute un « ‘s » apostrophe à l’enseigne. Il veut que sa nouvelle maison devienne le rendez-vous du monde hippique revenant de Longchamp. La mayonnaise prend vie, et le Fouquet’s devient le point de ralliement de personnalités aussi diverses que Raymond Poincaré, James Joyce, Georges Feydau ou Paul Poiret. En 1923, Jean Drouant (du célèbre restaurant de la Place Gaillon) reprend l’affaire. Jusqu’en 1976, il en fera le centre stratégique du cinéma et des écrivains en vue. Racheté par Maurice Casanova, le Fouquet’s est astucieusement rénové et continue à accueillir peoples et curieux. En 1988, les Koweiti propriétaires des murs rechignent à renouveler le bail de cette institution. Le ministère de la culture s’empresse (à juste titre) de faire classer l’établissement à l’inventaire des monuments historiques. Le Fouquet’s appartient aujourd’hui à l’Empire Barrière. Si la faune y essentiellement touristique, le navire est toujours à flot !