Vivre à Paris

Si Montmartre m’était conté…

La butte est le quartier parisien qui conserva le plus longtemps sa physionomie campagnarde. Les tableaux de Georges Michel, (1763-1843) premier vrai peintre Montmartrois, en donnent une idée exquise.

Les voici décrits par Jean-Paul Caracalla : « une colline agreste, hérissée de nombreux moulins, des jardins, des vignes entourant des chaumières, l’eau vive s’écoulant jusqu’à l’étang des Poissonniers, les marais de la Grange-Batelière, le Château-Rouge ou le hameau de Clignancourt. »

Au début du XIXe, monter au sommet de la Butte prenait une grosse demi-heure. On pouvait louer des ânes à la barrière de Clichy pour grimper sans trop d’efforts. Pendant longtemps ses rues ont gardé des noms campagnards : la rue des Moulin n’était pas encore la rue Norvins, la rue des Rosiers ne s’appelait pas encore rue Girardon, la rue de la Saussaye allait devenir rue du Chevalier de la Barre. Au numéro 42 de cette dernière se trouvait encore, à la fin du XIXe, une ferme où l’on pouvait venir chercher son lait, son beurre et sa crème. Elle fut d’ailleurs le siège de campagne de Georges Clémenceau en 1876. Quant au célèbre maquis de Montmartre, terrain vague au nord-ouest de la butte, avec moulins, chiffonniers et maisons en ruine, que l’on voit dans le French Cancan de Renoir, il a disparu à la création de l’avenue Junot, en 1910.

Depuis Montmartre a changé. Le village est devenu un quartier, presque un chromo. Pourtant, il faut aussi guigner le vrai Montmartre derrière les clichés. Oublions la place du Tertre et aventurons-nous en marge de la Butte officielle. Ainsi qu’à Venise, dès qu’on sort des sentiers battus et balisés, le monde réel retrouve son empire, comme la nature qui reprend sa revanche. Il suffit d’un angle de rue, d’une perspective, parfois d’une simple borne, pour que ce ne soit plus vous qui regardiez Montmartre mais Montmartre qui vous espionne…