Vivre à Paris

In vino veritas

Le vin fut longtemps une spécialité de l’île de France. Ce sont les Romains qui ont introduits la culture de la vigne, en région parisienne, voici quelques deux-mille ans. Les pourtours de Lutèce sont même couverts de vignes qui ne vont cesser de prospérer. Nos envahisseurs latins avaient plantés des vignes un peu partout, ayant une prédilection pour les crus de Montmartre, Argenteuil et Suresnes…

Avec l’arrivée de la chrétienté, ces terres sont phagocytées par les grandes abbayes, qui trouvent ici une puissante source de revenu, car le peuple est de plus en plus friand du jus de vigne. Les coteaux parisiens sont même autant de vignobles : Montmartre et le Mont Valérien bien sûr, mais jusqu’à la Montagne Saint Geneviève, comme s’en souvient la rue du Clos Bruneau. A la veille de la Révolution, on estime même à quelques 25 000 hectares de vignes dans et autour de Paris !

Amené par bateau sur la Seine, son commerce du vin est centralisé autour du port de la Grève près de l’actuelle place de l’hôtel de ville.

Les marchands de vin viennent s’approvisionner au ponton des vins français (c’est-à-dire provenant d’île de France ou de Champagne), et des vins de Bourgogne. Jusqu’à la fin du XVIIe, Les marchands de vin en gros ne sont toutefois pas autorisés à servir leurs produits : on l’emporte chez soi ou on tend un broc par une petite grille, que l’on vous rend rempli. Ce sont les marchands de vin au détail, appelés aussi taverniers, qui peuvent servir chez eux ; ou encore les cabaretiers, qui servent le vin sur des tables nappés et l’accompagnent de nourritures solides.

Le vin est une des marchandises les plus imposées, l’état voyant là une vraie manne. Les droits d’octroi sont tels que les guinguettes s’installent au-delà des fortifications de Ledoux, aux barrières de Paris. Les guinguettes de Belleville sont les plus prisées, car elles sont en limites des quartiers les plus populaires. On y boit un vin médiocre mais 4 à 5 fois moins cher qu’en les murs de la cité.

Ce ne sont toutefois pas les impôts mais les maladies qui tuent lentement le vignoble parisien. En 1900, on ne compte plus que 6000 hectares. Au début des trente glorieuses il n’y a déjà plus une vigne en région parisienne. Aujourd’hui, on tente de retrouver une sorte de nostalgie folklorique à faire les vendanges à Montmartre ; mais c’est une joie factice, car ces vignes ont été plantées en… 1933.